Quel rôle jouent les villes dans la lutte contre les changements climatiques ?
Juin 5, 2024
Tous les paliers de gouvernement, que ce soit le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux ou territoriaux ou les municipalités, adoptent des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de respecter le plafond prévu de 1,5 °C de réchauffement. Or, malgré ce seuil établi, les neuf dernières années sont les plus chaudes jamais enregistrées, et 2023 a été de loin la plus chaude. Les températures moyennes planétaires ont grimpé à 1,48 °C au-dessus des niveaux préindustriels, éclipsant le précédent record de 1,25 °C établi en 2016. Les Nations Unies rapportent que 75 % des émissions de gaz à effet de serre qui retiennent la chaleur, comme le dioxyde de carbone (CO2), proviennent des villes.
On parle beaucoup des efforts déployés au fédéral et au provincial pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, par exemple l’élimination progressive de l’électricité produite au charbon d’ici 2030, la tarification de la pollution par le carbone et la mise en place d’un mandat pour les véhicules électriques (VE), car il s’agit de vigoureuses politiques pour la réduction des émissions de carbone. On oublie trop souvent les municipalités, qui peuvent pourtant avoir une importante incidence sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les villes et communautés durables sont d’ailleurs l’un des objectifs de développement durable des Nations Unies, car il s’agit d’un facteur important pour le progrès de l’action et de la justice climatiques. Quels outils les villes peuvent-elles utiliser pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et qu’est-ce qui fait d’une ville une ville durable ?
Qu’est-ce qui fait d’une ville une ville durable?
La durabilité d’une ville est composée de plusieurs facteurs. Les villes sont au premier plan des mesures d’atténuation et d’adaptation dans le contexte de la crise climatique. Il est plus facile de consulter une administration locale que les élues et élus provinciaux ou fédéraux. En gros, « les villes ont plus tendance à expérimenter différentes approches. Elles ont moins de bagage politique […] et peuvent mettre au point des solutions mieux adaptées à leurs communautés ». Ainsi, elles peuvent répondre aux préoccupations climatiques locales plus rapidement que les gouvernements provinciaux ou le gouvernement fédéral. Les villes peuvent influer sur l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ses effets de plusieurs manières, notamment en ce qui concerne les transports, l’utilisation des terrains, la gestion des déchets, le logement et les habitats de pollinisateurs. Vous trouverez ci-dessous quelques éléments qui peuvent rendre une ville plus durable !
Transport durable
En nous déplaçant autrement dans nos villes, on pourrait ouvrir la porte à une importante réduction des émissions de carbone. Les trois quarts de la population canadienne vivent dans une grande zone urbaine de plus de 100 000 personnes. En outre, dans l’ensemble du Canada, 67,4 % des gens se déplacent seuls dans leur voiture personnelle, généralement un véhicule à essence. Les comportements de la population canadienne en matière de transport sont une source importante d’émissions nationales de CO2 : environ 22 % de ces émissions proviennent du secteur des transports, qui se classe en deuxième position des plus grands émetteurs après le secteur du pétrole et du gaz. Les villes canadiennes pourraient mettre en œuvre des politiques de transport durable afin de limiter le nombre de déplacements en voiture et de réduire les émissions de CO2.
L’une des politiques municipales optimales pour réduire les émissions de CO2 est d’encourager un recours généralisé au transport actif et collectif au lieu des voitures personnelles. En effet, passer de l’automobile au transport actif est le meilleur moyen pour de réduire les émissions individuelles de CO2 liées à la mobilité. De surcroît, une étude a révélé qu’« une personne moyenne qui a changé de mode de déplacement en passant de la voiture au vélo émet 3,2 kg de CO2 de moins par jour » et que « la promotion des déplacements actifs devrait être la pierre angulaire des stratégies visant à atteindre les objectifs de carboneutralité ». Si l’on se fie à cette étude, il suffirait que 30 % de la population d’une ville de 100 000 personnes passe à un mode de transport actif pour une réduction quotidienne de 93 tonnes d’émissions de CO2, soit 35 000 tonnes par an.
Les investissements dans le transport collectif qui visent à ce que davantage de gens les utilisent au lieu de leur voiture contribuent aussi à réduire les émissions, à améliorer la qualité de l’air et à minimiser les embouteillages. On cite souvent Copenhague comme l’une des villes les plus durables au monde, en partie parce qu’elle a investi dans des moyens de transport de remplacement. À Copenhague, 63 % de tous les déplacements se font à pied ou à vélo, et seulement 27 % en voiture.
Dans une ville durable, le reste des déplacements en voiture se fait en VE. Les villes peuvent encourager l’adoption des VE en multipliant les stations de recharge publiques et en les faisant connaître au public.
Bâtiments et utilisation des terrains
Les villes devraient plutôt se concentrer sur la densification et le potentiel piétonnier grâce à des zones de densité moyenne (on peut penser à Montréal avec ses maisons en rangée et ses appartements) et à l’aménagement de terres à utilisations multiples. En construisant des bâtiments plus proches les uns des autres, les villes peuvent réduire leurs dépenses en infrastructure ainsi que les émissions connexes, car les zones plus denses nécessitent moins de conduites d’eau, de routes et de lignes électriques. En outre, les gens n’ont pas à parcourir autant de kilomètres pour leurs activités quotidiennes, ce qui réduit les déplacements en voiture et améliore l’accès aux moyens de transport de rechange. C’est le principe fondamental de la « ville de 15 minutes ».
Un autre facteur qui peut nettement améliorer à la durabilité globale d’une ville? Comment on construit les bâtiments! Les bâtiments écologiques sont souvent construits selon les principes de l’efficacité énergétique, dotés de systèmes solaires à petite échelle pour la production d’énergie, faits à partir de matériaux et de pratiques de construction durables et produisent le moins de déchets possible tout au long du processus.
Prenons par exemple la bibliothèque du Boisé, au Québec. Le bâtiment a été construit conformément au niveau de certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) le plus strict. La conception, les techniques et les matériaux de construction axés sur la durabilité se combinent en un système de chauffage passif, une luminosité naturelle et un toit végétal qui perturbent le moins possible l’environnement naturel environnant. L’architecte a également veillé à planter 100 arbres supplémentaires pour compenser ceux qui ont dû être enlevés pendant la construction !
The Bibliothèque du Boisé in Québec, for example, was built to the highest Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) certification. Its sustainable design, building materials, and techniques make use of passive heating, natural light, and a vegetative roof to minimally disrupt the natural environment around it. The architect also made sure to plant 100 more trees to make up for those lost during construction!
La manière dont les villes sont construites influe sur leur capacité de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de résistance aux conséquences grandissantes des changements climatiques. La création de grands espaces verts et la végétalisation de l’environnement urbain réduisent les émissions de gaz à effet de serre, améliorent la qualité de l’air et contribuent au refroidissement et à l’atténuation du phénomène des « îlots de chaleur urbains ». Les îlots de chaleur urbains se forment lorsque la majorité des surfaces est recouverte d’asphalte, un matériau qui absorbe et amplifie la chaleur du soleil, et la température dans ces îlots peut grimper jusqu’à 5,6 °C de plus que celle de l’air. C’est ce qui fait que les villes restent chaudes, surtout la nuit, empêchant les gens de se rafraîchir et conduisant à l’épuisement par la chaleur. Pour lutter contre les effets de ces îlots de chaleur, on peut végétaliser les espaces urbains, mais aussi réduire la surface d’asphalte foncé en diminuant le nombre de stationnements de surface.
Les arbres ne sont pas les seules plantes à avoir leur place dans une ville durable. Différentes espèces indigènes jouent des rôles diversifiés en améliorant la santé publique, la biodiversité, la gestion des eaux pluviales et la production d’aliments. Planter des espèces indigènes plutôt que des espèces importées en monoculture, comme les pelouses traditionnelles de l’Amérique du Nord, présente plusieurs avantages. Donner la priorité aux espèces indigènes dans les espaces verts urbains « constitue la base des écosystèmes sains ». En outre, l’augmentation du pourcentage d’espèces indigènes peut contribuer à l’atténuation des changements climatiques et à l’adaptation à ceux-ci. Les jardins pluviaux sont une solution particulièrement efficace quand il y a un excès d’eaux de pluie.
Gestion des déchets
La manière dont une ville traite et limite la quantité de déchets qu’elle produit est un important facteur de sa durabilité actuelle et future. En détournant les plastiques, le papier et le carton et les déchets organiques des sites d’enfouissement, on peut réduire les émissions de gaz à effet de serre et encourager l’économie circulaire. Au lieu d’être enfouis, les plastiques recyclés peuvent être transformés en vêtements et en matériaux de construction, et les aliments compostés peuvent être utilisés comme engrais qui aideront à nourrir les gens.
Des villes du monde entier se sont engagées à atteindre le mode « zéro déchet » d’ici quelques dizaines d’années. En 2018, par exemple, la ville de Vancouver a présenté sa stratégie « zéro déchet 2040 » et a déjà réduit de 36 % sa quantité de déchets enfouis! La municipalité emploie des stratégies variées, notamment la prévention du gaspillage alimentaire à toutes les étapes de la ferme et la table, le compostage ou la transformation en carburant des aliments non comestibles, le prolongement de la durée de vie des produits et des matériaux grâce aux réparations, ou encore la réutilisation avant le recyclage.
Conclusion
Une ville durable est une ville qui comprend les éléments susmentionnés, mais aussi une ville qui est abordable pour ses citoyennes et citoyens. Il importe aussi que les initiatives de développement durable deviennent courantes dans tous les quartiers afin que tout le monde puisse en profiter, et pas seulement la population des quartiers riches. Les initiatives de développement durable permettent non seulement de réduire l’incidence d’une ville sur les changements climatiques, mais aussi de faire de ces zones urbaines un lieu de vie plus agréable.
Si vous souhaitez aborder le thème des villes durables avec vos élèves, le Projet Gaia propose des programmes éducatifs sur le climat pour tous les groupes d’âge. Pour les élèves du primaire, le programme Sur la trace des ordures montre comment trier les déchets correctement et les détourner des sites d’enfouissement. Les élèves de l’intermédiaire peuvent quant à eux suivre le programme de Labos climatiques qui se décline en quatre catégories : les déchets, les énergies renouvelables, la qualité de l’air et la consommation d’énergie. Chacun de ces aspects joue un rôle dans la durabilité des villes. Enfin, pour les élèves du secondaire, le Projet d’action climatique offre aux élèves la possibilité d’explorer les moyens de transport à faible émission de carbone et de prendre des mesures pour réduire leurs propres émissions liées au transport.
Auteur : Adam Mahony, coordonnateur de programmes, Projet Gaia
Références :
1. Henry Fountain and Mira Rojanasakul, “The Last 8 Years Were the Hottest on Record.” The New York Times, Jan. 10, 2023. https://www.nytimes.com/interactive/2023/climate/earth-hottest-years.html
2. Nicole Mortillaro, “2023 was the hottest year on record – by a long shot.” CBC News, Jan. 9, 2023. https://www.cbc.ca/news/science/2023-hottest-year-on-record-1.7077959
3. “Cities and climate change,” United Nations Environment Programme. https://www.unep.org/explore-topics/resource-efficiency/what-we-do/cities/cities-and-climate-change
4. “Powering Pas Coal Alliance: phasing out coal,” Government of Canada, Aug. 21, 2023. https://www.canada.ca/en/services/environment/weather/climatechange/canada-international-action/coal-phase-out.html
5. “Carbon pollution pricing systems across Canada,” Government of Canada, July 05, 2023. https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/climate-change/pricing-pollution-how-it-will-work.html
6. “Canada’s Electric Vehicle Availability Standard (regulated targets for zero-emission vehicles,” Environment and Climate Change Canada, Dec. 19, 2023. https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/news/2023/12/canadas-electric-vehicle-availability-standard-regulated-targets-for-zero-emission-vehicles.html
7. “Goal 11: Make cities inclusive, safe, resilient and sustainable,” United Nations Sustainable Development Goals. https://www.un.org/sustainabledevelopment/cities/
8. “In the face of climate change, municipalities take the lead,” Concordia University. https://www.concordia.ca/next-gen/cities/research-highlights/in-the-face-of-climate-change-municipalities-take-the-lead.html
9. “Canada’s large urban centres continue to grow and spread,” Statistics Canada, Sept. 02, 2022. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220209/dq220209b-eng.htm
10. “Where New Brunswickers work and how they get there,” Department of Finance, Fiscal Policy Division, 2016 Census – Release 6, “Journey to Work.” Nov. 29, 2017. https://www2.gnb.ca/content/dam/gnb/Departments/fin/pdf/esi/2016CensusHighlights-FaitssaillantsduRecensementde2016/Release6/8-Commuting_E.pdf
11. Environment and Climate Change Canada (2023) Canadian Environmental Sustainability Indicators: Greenhouse gas emissions. Consulted on March 21, 2024. Available at: www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/environmental-indicators/greenhouse-gasemissions.html.
12. Christian Brand, Evi Dons, Esther Anaya-Boig, Ione Avila-Palencia, Anna Clark, Audrey de Nazelle, Mireia Gascon, Mailin Gaupp-Berghausen, Regine Gerike, Thomas Götschi, Francesco Iacorossi, Sonja Kahlmeier, Michelle Laeremans, Mark J Nieuwenhuijsen, Juan Pablo Orjuela, Francesca Racioppi, Elisabeth Raser, David Rojas-Rueda, Arnout Standaert, Erik Stigell, Simona Sulikova, Sandra Wegener, Luc Int Panis, “The Climate Change mitigation effects of Daily active travel in cities,” Transportation Research Part D: Transport and Environment,” Vol. 93, April 2021. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920921000687?via%3Dihub&
13. “The Alliance for Climate Protection: Five Sustainable Cities Making a Difference for the Planet,” The Climate Reality Project, March 10, 2017. https://www.climaterealityproject.org/blog/five-sustainable-cities-making-difference-planet
14. “Mobility facts and figures: City of Copenhagen 2021,” Copenhagen Municipality: The Mobility Unit, 2021. https://kk.sites.itera.dk/apps/kk_pub2/index.asp?mode=detalje&id=2145
15. Jake Wegmann, “Death to Single-Family Zoning…and New Life to the Missing Middle,” Journal of the American Planning Association, Vol. 86 No. 1, 2020. https://www.tandfonline.com/doi/epdf/10.1080/01944363.2019.1651217?needAccess=true
16. Tyler Griffin, “Ontario rapidly losing farmland amid urban sprawl, provincial agriculture group says,” CBC News, June 18, 2022. https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/ont-farmland-loss-1.6493833
17. Tyler Adams, Edited by Janathan Rosenbloom and Christopher Duerksen, “Mixed-Use Zoning.” Sustainable Development Code. Accessed on March 3, 2024. https://sustainablecitycode.org/brief/mixed-use-zoning/
18. David B. Hanna and Francois Dufaux, “Montreal: A Rich Tradition in Medium Density Housing.” Canada Mortgage and Housing Corporation, April 2002. https://publications.gc.ca/collections/collection_2011/schl-cmhc/nh18-1-2/NH18-1-2-37-2002-eng.pdf
19. Dan Luscher, “Introducing the 15-Minute City Project: Putting people at the center of urban transformation,” 15minutecity, June 16. https://www.15minutecity.com/blog/hello
20. “5 Ingenious Sustainable Buildings in Canada,” Green Buildings Canada, August 1, 2023. https://greenbuildingcanada.ca/sustainable-buildings-canada/
21. “Urban Heat Islands,” University Corporation for Atmospheric Research: Centre for Science Education. Accessed on March 3, 2024. https://scied.ucar.edu/learning-zone/climate-change-impacts/urban-heat-islands
22. Gabriella Mickel, “Reimagining parking: Unlikely spaces for climate resilience,” Yale Environment Review, Jan. 2, 2024. https://environment-review.yale.edu/reimagining-parking-unlikely-spaces-climate-resilience
23. Krystal D’Costa, “The American Obsession with Lawns,” Scientific American, May 3, 2017. https://www.scientificamerican.com/blog/anthropology-in-practice/the-american-obsession-with-lawns/
24. Tara Nolan, “The case for growing native plants in your gardens and pots,” CBC News, June 1, 2023. https://www.cbc.ca/life/home/growing-native-plants-in-gardens-1.6862140
25. “Rain Gardens for Climate Change Resiliency,” ACAP Saint John. Accessed on March 21, 2024. https://www.acapsj.org/raingardens
26. General Manager of Engineering Services, “Policy Report: Zero Waste 2040,” to the Standing Committee on Policy and Strategic Priorities, City of Vancouver, April 20, 2018. https://council.vancouver.ca/20180516/documents/pspc2a.pdf
Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour plus d’histoires, de nouvelles et de mises à jour :
Facebook: www.facebook.com/gaiaproject
Instagram: @thegaiaproject_
Twitter: @gaiaproject
LinkedIn: @thegaiaproject-projetgaia
TikTok: @thegaiaproject_