Accessibilité, inclusion et action contre les changements climatiques

Mai 10, 2021

Comment reconnaît-on l’inclusion et l’accessibilité? Quelle est la différence entre les deux concepts? Comment s’inscrivent-ils dans la lutte contre les changements climatiques? On examine souvent ces deux notions dans leur sens restreint. Or, elles existent dans chaque espace, expérience, politique, produit et service. La plupart d’entre nous les séparent de notre réalité quotidienne, réfléchissant à l’accessibilité du point de vue des personnes, plutôt qu’en tant que concept. Pourtant, l’accessibilité et l’inclusion ont une vaste portée. Impossible de les séparer des autres aspects de la société, y compris l’action climatique et l’écologisme.

Les personnes ayant une incapacité composent près de 15 % de la population mondiale. Il est donc impératif, dans la recherche de solutions durables, de tenir compte des répercussions sur cette population. Puisque le sujet est très vaste, ce billet de blogue portera sur trois grandes questions. En période de crise, comment les changements climatiques touchent-ils les personnes ayant une incapacité? Quelles catégories de personnes sont-elles représentées dans la discussion et dans l’élaboration de politiques sur les changements climatiques, qui n’a pas voix au chapitre et pourquoi? Que pouvons-nous faire pour rendre le mouvement écologiste plus inclusif et plus accessible? Pour bien répondre à ces questions, il faut d’abord examiner les différents types d’incapacités et se demander ce qui distingue l’accessibilité de l’inclusion.

Comme nous l’avons déjà dit, il existe un nombre important de personnes ayant une incapacité dans le monde, et la plupart d’entre nous, à un moment ou à un autre, finiront par appartenir à cette population. Certaines incapacités sont permanentes, et d’autres sont temporaires ou évolutives. Elles peuvent être visibles ou invisibles, physiques, mentales ou cognitives.

Avant de continuer, prenons le temps de réfléchir aux différentes incapacités. Combien en connaissez-vous? Comment se ressemblent-elles ou sont-elles différentes les unes des autres, et quels accommodements pourraient-ils être exigés par les personnes ayant ces incapacités?

Bien que l’accessibilité et l’inclusion soient des concepts connexes, ce ne sont pas des synonymes. L’accessibilité porte sur l’accès équitable universel, alors que l’inclusion porte sur les différentes identités et cultures qui existent au sein de la collectivité. L’inclusion tient compte de l’intersectionnalité entre les différentes identités et examine comment cette intersectionnalité influence l’effet qu’aura un enjeu sur un certain groupe par rapport à un autre.

C’est ce qui nous amène à la première question :

1) En période de crise, comment les changements climatiques touchent-ils les personnes ayant une incapacité?

Les changements climatiques s’accompagnent d’une augmentation du nombre d’événements météorologiques extrêmes, notamment les ouragans, les incendies de forêt et les inondations. Un peu partout sur la planète, les gouvernements et les collectivités se voient dans l’obligation d’adopter des stratégies pour gérer les crises environnementales, dont les catastrophes naturelles. Mais ces stratégies, qu’elles soient planifiées ou improvisées, ne tiennent pas toujours compte de la multitude d’incapacités qui peuvent exister au sein d’une population.

Michelle Villeneuve, de l’Université de Sydney, explique qu’en temps de crise, les personnes ayant une incapacité courent des risques plus importants que celles qui n’en ont pas.

Ces personnes courent un risque de deux à quatre fois plus grand que la population générale de mourir ou de se faire blesser lors d’une catastrophe naturelle. Les personnes sourdes risquent de ne pas entendre les systèmes d’alerte précoce. Les personnes qui ont une déficience visuelle, qui ont de la difficulté à marcher ou qui ont besoin d’un dispositif de mobilité sur roues peuvent avoir de la difficulté à se sauver et à trouver refuge.

Michelle Villeneuve
chargée de cours en ergothérapie, professeure agrégée au centre de recherche et de politiques sur les incapacités de l’Université de Sydney

Aux difficultés causées par une incapacité physique en période de catastrophe environnementale ou d’événement météorologique extrême s’ajoutent les défis d’une incapacité cognitive, qui peuvent empêcher une personne de réagir rapidement ou de bien comprendre les instructions. Les pannes de courant peuvent rendre les appareils fonctionnels et l’équipement médical essentiel inutilisables. Un accès inéquitable à l’information peut retarder la réception d’avis ou d’avertissements urgents. Près de 50 % des victimes de l’ouragan Katrina étaient âgées de plus de 75 ans, une catégorie d’âge qui ne représente que 6 % de la population locale, mais où les incapacités sont beaucoup plus courantes. Les changements climatiques augmentant la probabilité et la gravité des événements météorologiques extrêmes, les personnes ayant une incapacité deviennent plus vulnérables aux dangers parallèles, comme les blessures ou la mort. Il est donc essentiel que ces personnes se trouvent au premier plan de la planification en prévision de catastrophes et de l’élaboration de politiques sur les changements climatiques. 

Par conséquent, il est important de se poser la question suivante :

2) Quelles catégories de personnes sont-elles représentées dans la discussion et l’élaboration de politiques sur les changements climatiques, qui n’a pas voix au chapitre et pourquoi?

Les perspectives, exigences et éclairages uniques des personnes ayant une incapacité aident à concevoir des espaces et des expériences qui sont non seulement durables sur le plan écologique, mais aussi accessibles à l’ensemble de la collectivité. Or, ces personnes sont souvent exclues de la discussion sur les changements climatiques, et les solutions tiennent rarement compte de leurs limites et obstacles particuliers, notamment :

  • La difficulté d’accès aux services de transport en commun ordinaires et accessibles;
  • La nécessité de recourir à des services de santé se trouvant principalement en milieu urbain;
  • Le besoin de technologies d’assistance ou de programmation accessible permettant de consulter les espaces et les ressources numériques;
  • Le risque plus élevé de disparité de revenus à cause des occasions d’emploi limitées;
  • Même le besoin de se servir d’une paille pour boire (les pailles, rappelons-le, ont mauvaise presse depuis quelques années).

Assistive technology device for using a computer

Bien qu’il y ait un mouvement de lutte pour des politiques sur la durabilité et les changements climatiques parmi les personnes ayant une incapacité, les besoins de ces dernières sont souvent négligés par les groupes écologistes traditionnels. Greta Thunberg est un exemple encourageant de l’évolution des mentalités. Qualifiant de « super-pouvoir » son syndrome d’Asperger et son TOC, Greta affirme qu’il y a une force à puiser dans nos différences, et que ses incapacités l’aident en fait à examiner les enjeux des changements climatiques avec clarté et concentration. L’influence et la plateforme de cette jeune femme laissent croire que de plus de plus en plus d’espace et de possibilités s’ouvrent aux personnes ayant une incapacité qui veulent participer aux discussions sur l’action climatique, mais il n’en demeure pas moins qu’il reste du travail à faire et que nous avons tous un rôle à jouer dans cette entreprise.

La dernière question, et peut-être la plus importante, est la suivante :

3) Que pouvons-nous faire pour rendre le mouvement écologiste plus inclusif et plus accessible?

Les personnes ayant une incapacité et les personnes qui les aident sont les mieux placées pour parler de leurs besoins et des façons de les intégrer le plus efficacement possible à la lutte contre les changements climatiques. Comme nous l’avons déjà mentionné, les personnes ayant une incapacité doivent jouer un rôle actif dans l’élaboration de politiques, la création de technologies et la mise en œuvre de solutions et de stratégies pour la lutte contre les changements climatiques. Cependant, pour que ces mesures aient une véritable incidence, la collectivité et le gouvernement doivent travailler en symbiose, et les principes fondamentaux de l’inclusion, de la participation, de l’autonomie sociale, de l’accessibilité et de la durabilité doivent être établis dès le départ. La matrice de la réadaptation à base communautaire de l’OMS est un cadre qui décrit les droits des personnes ayant une incapacité et qui souligne l’importance de ces principes dans la création d’une société plus équitable et plus inclusive.

Une femme âgée utilise un fauteuil roulant électrique dans une piste cyclable.

Il existe bon nombre de possibilités à l’échelle provinciale, nationale et internationale, mais n’oublions pas que les entreprises et les citoyens peuvent aussi adopter de nombreuses stratégies pour apporter des changements positifs dans la localité.

Et vous, quels petits gestes posez-vous pour rendre le mouvement écologiste plus accessible?

1) Faites vos recherches, posez des questions et évitez les suppositions

Il y existe une foule d’excellentes ressources pour nous aider à mieux savoir comment accommoder et inclure les personnes ayant une incapacité. L’émission You Can’t Ask That de CBC, à la fois divertissante et instructive, dédramatise les incapacités. En comprenant mieux les obstacles qui se dressent devant cette population, nous pourrons plus facilement nous demander comment les solutions aux changements climatiques pourraient les toucher, les inclure ou les exclure davantage.

2) Suivez une formation sur l’accessibilité et invitez vos amis ou vos collègues

Pour créer des expériences accessibles, il importe que nous soyons tous informés sur les stratégies de communication accessibles et à l’aise avec celles-ci. Les besoins en matière d’inclusion doivent être bien intégrés à nos cultures personnelles et professionnelles afin que l’accessibilité ne se cantonne pas à certains processus particuliers. Le site Web Accessibility Services Canada (en anglais) est une excellente ressource pour de la formation et des ateliers.

3) Engagez un interprète pour votre prochain événement ou webinaire

Votre employeur organise-t-il des activités, qu’elles soient virtuelles ou en personne? Si les inscriptions se font à l’avance, donnez à vos invités la chance d’indiquer leurs besoins en matière d’accommodement afin que vous puissiez faire en sorte d’y répondre. Si l’activité est ouverte à tous, vous pouvez aussi embaucher un interprète sur place qui offrira ses services au besoin, et en informer le public. 

Pour les activités en personne, vérifiez si la pièce est accessible en fauteuil roulant, réservez une salle de repos pour les personnes qui pourraient avoir besoin d’un espace tranquille ou privé et assurez-vous qu’il y ait des endroits où s’asseoir.

4) Veillez à ce que le contenu publié par votre entreprise soit accessible

Faites circuler l’information de différentes façons. Offrez beaucoup de descriptions pour que les personnes ayant une déficience visuelle puissent bien comprendre, et servez-vous de supports visuels et de texte pour communiquer l’information aux personnes malentendantes. Si vous avez une présence en ligne, consultez votre développeur Web pour vous assurer de l’accessibilité du contenu et de la conformité aux normes d’accessibilité de la LAPHO, qu’on considère généralement comme étant les directives les plus robustes et les plus progressistes au Canada.

5) Amplifiez la voix des personnes ayant une incapacité

Si vous avez une plateforme, servez-vous-en. Dans les réseaux sociaux, au travail ou dans votre classe, faites circuler des contenus sur l’environnement et les changements climatiques créés par des personnes ayant une incapacité. En diversifiant les idées au premier plan de la discussion sur le changement climatique, nous ferons en sorte que nos solutions et nos idées représentent mieux notre collectivité.

Le mouvement pour l’écologie et la lutte aux changements climatiques, comme tous les autres, n’est pas exclusif. Il existe des intersections entre les identités, les communautés et les cultures, et il est important de les reconnaître et d’en tenir compte. Pour les personnes ayant une incapacité, les changements climatiques sont synonymes d’obstacles particuliers et très réels. Il est donc essentiel que ces personnes soient représentées dans le mouvement écologiste, mais aussi dans toutes les autres initiatives de politiques et d’innovation.

Si une solution en matière de changements climatiques ne fonctionne pas pour tout le monde, il ne s’agit pas d’une réelle solution.

 

Ressources supplémentaires :

1. Thomson, Greg. “Complying with AODA WCAG 2.0 Distinguishable Content.” Accessibility for Ontarians with Disabilities Act (AODA), 15 June 2018, www.aoda.ca/complying-with-aoda-wcag-2-0-distinguishable-content/. 

2. “About the Community-Based Rehabilitation (CBR) Matrix.” World Health Organization, World Health Organization, www.who.int/disabilities/cbr/matrix/en/.

3. Accessibility Services Canada, accessibilitycanada.ca/.

4. Thomson, Greg. “What Is the AODA?” Accessibility for Ontarians with Disabilities Act (AODA), 2 Oct. 2018, aoda.ca/what-is-the-aoda/.

5. “You Can’t Ask That .” CBC Gem , CBC/Radio Canada, gem.cbc.ca/season/you-cant-ask-that/season-1/72c403c1-54c9-41c9-9608-e07f82bf4b84.

6. “Home – Person Centered Emergency Preparedness .” Collaborating 4 Inclusion, collaborating4inclusion.org/pcep/didrr/?fbclid=IwAR3vqeMGC5hBU3aUYO7PDDyEnEiEYdCvB3xzPdXzd-ENAOrXqAFsxvcU9wg.

 

Référence:

1. Climate Change and the Health of People with Disabilities . United States Environmental Protection Agency , May 2016, www.cmu.edu/steinbrenner/EPA%20Factsheets/disabilities-health-climate-change.pdf.

2. Perry, David M. “Disability and Disaster Response in the Age of Climate Change.” Pacific Standard, Pacific Standard, 21 Dec. 2017, psmag.com/environment/fixing-americas-disability-disaster-response.

3. Yu, Tiffany. “It’s Time to Recognize Climate Change as a Disability Rights Issue.” Rooted in Rights, 23 Apr. 2019, rootedinrights.org/its-time-to-recognize-climate-change-as-a-disability-rights-issue/.

4. Lewis , David. “Disability and Climate Change .” CBM , CBM Australia , www.cbm.org/fileadmin/user_upload/Publications/Disability_and_Climate_Change.pdf.

5. “How Climate Change Disproportionately Impacts Those with Disabilities.” UNEP, UN Environment Programme , 9 Dec. 2019, www.unep.org/news-and-stories/story/how-climate-change-disproportionately-impacts-those-disabilities.

6. “Understanding Universal Design vs Accessibility vs Inclusive Design.” Say Yeah!, 12 May 2020, sayyeah.com/digital-insights/universal-design-accessibility-inclusive-design/#:~:text=Accessibility%20advocates%20often%20describe%20inclusive,serving
%20people%20of%20different%20abilities
.

7. Greengrants.org, 18 Mar. 2019, www.greengrants.org/2019/03/18/disability-and-environment/.

8. Ellen Spannagel, Enabling Comms (podcast), S1E2: Unpacking Ableism in Environmental Justice- Conversation with Yolanda Muñoz, McGill Centre for human Rights and Legal Pluralism, January 26, 2021, https://www.disabilityinclusiveclimate.org/stories

9. Mancini, Melissa, and Ioanna Roumeliotis . “#Aspiepower: Greta Thunberg Turns Being ‘Different’ into a Bold Advantage | CBC News.” CBCnews, CBC/Radio Canada, 30 Sept. 2019, www.cbc.ca/news/world/how-greta-thunberg-s-autism-helps-give-her-a-singular-focus-1.5301634.

10. Michelle Villeneuve Lecturer in Occupational Therapy Discipline. “People with Disability Should Be Included as Equal Partners in Disaster Planning.” The Conversation, 12 Mar. 2015, theconversation.com/people-with-disability-should-be-included-as-equal-partners-in-disaster-planning-38718.

 

Auteure : Katelyn Plant, Gestionnaire des communications, Le Projet Gaia

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  • Merci, j’ai raconté à mes parents ce que nous avons fait en classe et maintenant ils ont envie de faire du recyclage à la maison !

    Olivia

    élève de l’école Parkwood Heights Elementary