La journée des feux d’artifice
Juin 22, 2021
Alors que je rentrais chez moi ce soir-là en voiture, après avoir expliqué l’histoire autochtone aux visiteurs des musées qui exploraient notre culture et goûtaient nos aliments en compagnie de ceux qui cherchaient à apprendre notre nom et notre mode de vie, je me souviens avoir pensé que je ne savais pas ce que signifiait pour moi la Journée nationale des peuples autochtones. Puis, au-delà des collines parsemées de routes de campagne de chez nous, j’ai vu des feux d’artifice. Du rouge, du jaune et du blanc sur une silhouette noire de récoltes et de rangées d’arbres. La communauté que j’avais visitée à l’école pendant mon enfance et avec des amis, quand j’étais adolescente, était vibrante de couleurs dans la nuit. Je n’étais pas de la communauté, ayant des racines loin à l’ouest et d’autres à l’est, mais l’étendue de l’amour qu’elle inspire pouvait être illustrée par les éclats de lumière dans le ciel. C’est à ce moment-là que j’ai compris que la Journée nationale des peuples autochtones était un jour où l’on pouvait se réjouir d’être Autochtone.
Je suis maintenant reconnaissante d’avoir eu l’occasion de vivre une autre Journée nationale des peuples autochtones, et d’en être témoin dans une nouvelle maison, de célébrer la journée sur un nouveau sol, et de faire éclater des feux d’artifice pour de nouveaux amis. Mais je m’en voudrais de dire que les feux d’artifice ne sont pas la seule façon de célébrer, et je m’en voudrais encore davantage de ne pas vous mentionner la façon dont j’aime personnellement célébrer l’autochtonie et le Canada autochtone lors de la Journée nationale des peuples autochtones. La façon dont nous apprenons à nos enfants à percevoir le monde est de contempler le tout en relation avec ce qui nous entoure. J’essaierai de vous l’expliquer dans les lignes qui suivent et de vous faire part de leçons en matière d’environnement et de développement communautaire que l’on peut tirer de quelque chose d’aussi simple qu’un mets.
La Journée nationale des peuples autochtones est l’occasion pour nous de mettre en valeur les cultures autochtones du Canada et de faire entendre la voix des Autochtones. Une partie de cette reconnaissance inclut également les perspectives environnementales des peuples autochtones du Canada (et du monde). De nombreuses perspectives qui ont été trop souvent cataloguées dans des perceptions du savoir autochtone relégué aux seuls espaces autochtones, avec peu d’honneur accordé à notre savoir dans des sociétés racialement mixtes. Notre savoir est toujours lié, interrelié et destiné à se rapporter à tout et à tous. Nos recettes illustrent nos interactions avec la terre; nos histoires sur les animaux de l’île de la Tortue nous disent comment nous traiter les uns les autres; et notre écologie se retrouve dans chaque enseignement, recette, histoire et relation que nous avons appris et valorisé.
J’aimerais vous faire part d’une recette, d’une recommandation de livre et d’un petit sermon qui (je l’espère) pourront remplir votre esprit, votre ventre et votre cœur alors que nous vivons et célébrons la Journée nationale des peuples autochtones. J’aimerais aussi tenir une discussion écologique sur l’importance de l’inclusion des Autochtones dans les mesures éducatives et environnementales.
Bannique (comme je le fais)
[Ba-eh-no-ik, bah-nik, bae-nok, baon-nik]
Environ 3 tasses de farine
Un peu moins d’une tasse d’eau et environ une cuillère à soupe de lait
1 bonne pincée de sel
Environ une cuillère à soupe de sucre
Un demi–paquet de shortening (ou une ½ tasse d’huile végétale, un demi-carré de beurre, ou une ½ tasse de margarine)
Environ 2 cuillères à soupe de poudre à pâte
Étape 1 : mélangez et remuez les ingrédients secs.
Étape 2 : ajoutez l’eau et la graisse, puis mélangez, pétrissez ou battez le contenu du bol avec une cuillère en bois jusqu’à ce que vous obteniez une pâte légèrement collante et légèrement friable qui ressemble à du pain avant qu’il ne lève.
J’aime plier le mélange plusieurs fois, pour permettre aux couches de se développer, mais ce n’est pas nécessaire.
Étape 3 : réglez le four à 425 degrés. Une fois que ce dernier est préchauffé, mettez la bannique dans le plat qui vous convient le mieux (plaque à biscuits, moule à gâteau, tout est permis, du moment que la bannique ressemble à un gros biscuit sans avoir l’épaisseur d’une brique).
Étape 4 : regardez une émission de télévision et vérifiez la bannique pendant les pauses publicitaires et retirez-le juste avant le générique de fin (ou quand le générique de fin de Netflix vous incite à passer à l’épisode suivant – les deux conviennent).
Vous pouvez aussi écraser la bannique dans une poêle chaude avec un peu de beurre, puis ajouter du beurre dans la poêle. Retournez-le après avoir appelé votre mère et l’avoir mise au courant des événements de la semaine. Servez-le quand elle a fini de vous raconter les événements de sa semaine (faire cuire environ 7 minutes chaque côté, à feu moyen ou doux). Assurez-vous simplement de le retirer avant que l’un d’entre vous ne commence à raconter des histoires de personnes de chez vous qui se sont mariées, sont devenues enceintes ou ont obtenu leur diplôme.
Vous pouvez toujours faire frire des petites banniques (de la taille de votre main ou de votre tête, si vous souhaitez les garnir de garnitures pour tacos ou de confiture, ou les utiliser comme des petits pains à hot dog) dans de l’huile végétale chaude (1 à 2 tasses à feu moyen élevé, ou juste assez pour que les banniques soient immergées d’huile, mais pas trop pour qu’ils ne soient pas visibles). Faites glisser délicatement les petites banniques dans l’huile, mettez votre chandail et allez explorer le réfrigérateur afin d’y trouver des garnitures pour pain frit. Retournez, répétez la recherche dans le frigo, puis servez votre plat (environ 4 minutes chaque côté selon la taille de la bannique ou du pain frit).
Malheureusement, je n’ai pas de fiche de recette à vous faire parvenir et bien qu’il s’agisse d’une recette approximative, j’ai la ferme conviction que c’est la meilleure façon faire cuire la bannique. Certains préparent des bols de farine sur leur comptoir, d’autres ne jurent que par le lait ou encore l’eau, mais nous partageons tous (quelles que soient nos préférences ou nos restrictions alimentaires) la joie de rompre le pain, de prendre des repas ensemble et de cuisiner pour des êtres chers.
J’ai essayé d’innombrables recettes de banniques et exploré de nombreuses façons différentes de confectionner ce mets, mais quelle que soit la manière dont la bannique a été préparée, je revis toujours à mes premières expériences de partage de mon histoire et de mon expérience autochtones avec d’autres personnes, accompagnées d’eau douce ou d’un thé de cèdre, de foin d’odeur ou de fumée de tabac, en petits ou grands groupes, parlant des langues traditionnelles ou l’anglais. J’ai toujours le cœur rempli de joie avant même de commencer à manger une bannique.
La bannique est un plat simple, mais d’une grande signification. Il représente une union entre nous, un savoir et un goût communs, et le seul mets que tout le monde peut cuisiner (même si certains d’entre nous [moi] peuvent littéralement brûler des céréales). Des plats plus complexes ont peut-être été perdus en même temps que d’autres éléments de la culture, certains ne sont peut-être connus que de ceux qui sont capables de travailler en traduction, mais la bannique persiste en raison de sa simplicité et parce que la recette peut être facilement transmise en secret, ou à juste titre.
Le même concept s’applique à l’écologie autochtone.
Continuez à me lire : nous allons faire un peu d’allégorie à la postmodernité. La bannique est une écologie autochtone, pratiquée différemment par chacun d’entre nous, mais à la base, toujours présente dans nos façons de voir, de connaître et de vivre.
L’écologie est simple, l’écologie exige la simplicité; elle peut être partagée sans crainte, avec des modifications ou des traditions familiales incluses, sans excès ni attente de récompense. Elle est un élément de base de notre vie pour l’avenir, tout comme la bannique était un plat de base pour nos ancêtres. Les Autochtones ont montré aux colons comment confectionner la bannique, tout comme ils l’avaient fait avec les leurs. Ils leur ont aussi enseigné la chasse, la pêche et la récolte, comme ils l’avaient appris de leurs propres ancêtres. De même, l’écologie autochtone exige d’être partagée, et la beauté de nos liens rayonner aux quatre coins du monde.
Tout comme la bannique peut être notre union, les collectivités qui travaillent ensemble sur l’action climatique et la protection des terres établissent une union vers un meilleur avenir.
La bannique peut être préparée à 10 h ou à 23 h, dans une cuisine ou près d’un feu de camp, par temps froid ou chaud, et il en est de même pour le progrès écologique. L’écologie n’a pas besoin d’être discutée dans un bureau, ou en termes professionnels; elle peut avoir sa place dans votre salon, votre cuisine, votre jardin, ou sur la route vers le travail. Certains peuvent penser que l’écologie se manifeste par des régimes végétariens, tandis que d’autres peuvent croire que l’écologie est présente dans les voyages de chasse et les congélateurs remplis de gibier.
Certains ne jurent que par le lait, d’autres par l’eau.
La vraie cuisine maison se fait à la main et par des personnes qui n’ont pas peur du bœuf salé grésillant.
Elle se fait sur des assiettes ébréchées dont les images disparaissent avec le temps.
Des pommes de terre croustillantes, en boîte,
cuisinées avec seulement les doigts et l’ustensile le plus proche : couteau, fourchette ou cuillère.
La nostalgie des chariots de prairies est la bienvenue ici.
L’ancien beurrier se transforme à la guise du temps, car nous avons des recettes pour tous et toutes, et pour chaque saison de la lune.
La souffrance de la chasse, de la cueillette ou de la file d’attente de l’épicerie,
des délices sucrés reposant près de la porte moustiquaire,
gratuits pour ceux qui entrent, ou vous embrassent en partant.
Les épices sont incluses, et vieillies,
ce sont les chilis de ma mère.
Elles ont été posées sur toutes les étagères que j’ai explorées.
Je vous épargnerai le contexte et vous demanderai plutôt de ne jamais considérer la perspective d’une personne sur l’autochtonie comme universelle; ainsi, nous pourrons commencer par les préceptes écologiques autochtones modernes au lieu de l’histoire écrite par les colons et diluée pour faciliter la lecture. Ceci étant dit, j’aimerais vous orienter vers la récolte honorable.
Dans le chef-d’œuvre de Robin Wall Kimmerer intitulé Braiding Sweetgrass, nous voyons que l’honneur qu’elle accorde à sa récolte n’est pas seulement un honneur des systèmes utilisés pour assurer un rendement soutenu, mais aussi un honneur de la récolte elle-même. C’est pourquoi la bannique cuite au four est prêt à être mangée, pour moi, après avoir appelé ma mère, ou prête à être retourné quand les publicités passent à la télévision, si je le prépare dans une poêle. Le processus de notre récolte est aussi quelque chose à gagner, le résultat final est secondaire à la façon dont nous agissons pour le recevoir. L’écologie peut être artistique, commune, culturelle et scientifique, mais ce n’est pas dans le résultat final que nous trouverons toujours ces vertus. C’est en commémorant la nature dans l’art, en échangeant des conseils écologiques avec nos amis, en chassant en famille en guise de tradition au lieu de dépendre du complexe agro–industriel, ou en étudiant la beauté de la nature que nous trouvons pourquoi le résultat final est digne.
Mme Kimmerer explique qu’en récoltant, nous faisons également l’expérience de l’amour, de la bonté et de la relation avec ce que nous cueillions. Nous ne devons pas nous contenter de trouver les baies les plus rouges et les plus brillantes dans les piles de coquilles en plastique, mais nous devons étendre notre amour et notre respect à chaque belle baie que nous cueillons. Cueillir intentionnellement pour qu’aucun autre organisme ne soit privé de l’excitation des fraises précoces, et pour qu’aucune fraise ne soit privée de son droit de s’épanouir et de grandir.
J’ai mentionné la simplicité tout à l’heure, en parlant du minimalisme de la bannique, et j’espère que vous n’avez pas pensé que je réduisais l’héritage de ce plat. Je souhaite plutôt faire les louages de la simplicité de la bannique.
La vraie cuisine maison se trouve dans le sang des doigts brûlés et les yeux hésitants.
La vraie cuisine maison est déplacée.
La vraie cuisine familiale est ancestrale,
même si elle doit encore se présenter à vous.
La vraie cuisine maison dégorge de sirop d’érable fumé,
récolté doucement sur les arbres que vous croisez en rentrant chez vous.
La vraie cuisine familiale, c’est le gibier haché, le
paprika, le sel, la poudre d’oignon et le poivre.
La vraie cuisine familiale englobe des pots et des pots de fraises sauvages.
Nous apprenons d’abord ce qui est simple, nous couvrons les notions fondamentales avant de nous lancer à pieds joints dans quelque chose, nous apprenons à nos jeunes à faire des récoltes honorables avant de devoir se nourrir et nourrir leurs enfants, et à marcher avant de courir.
Malheureusement, nous avons atteint un point où l’honorable récolte ne fait plus partie de ces leçons « simples » que nous apprenons quand nous sommes petits, quelles que soient nos origines. Ainsi, alors que nous célébrons cette Journée nationale des peuples autochtones, je veux que vous trouviez des moyens de célébrer la simplicité. La tradition grandiose de l’exploitation des récoltes commence à montrer ses effets sur notre terre, nos cultures et notre vie quotidienne. Le défi que je vous lance est donc de trouver un sens à ce qui est simple, minimal et commun. Se rendre au travail à pied plutôt qu’en voiture, passer du temps à l’extérieur au lieu d’utiliser de l’électricité pour être à l’intérieur, ou cultiver et récolter des fraises dans votre jardin, ou rompre le pain (ou la bannique!), tout en communiquant des connaissances écologiques aux personnes qui vous sont proches. De petits gestes peuvent contribuer à réduire notre effet négatif sur la terre, tout en nous aidant à en apprendre un peu plus sur les façons de voir la vie au présent dans les terres non cédées sur lesquelles nous vivons et apprenons.
Auteure : Violet Eliza-Sioux, coordinatrice des programmes autochtones (étudiante stagiaire), Projet Gaia
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